Maux par mots – Marie-Sophie Peytou
L'humeur du temps

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vendredi 23 février 2018 Enfance Education
Crise d'ado ou crise d'adulte ? Il n’y a pas très longtemps, je suis tombée sur l’interview un peu provocatrice d’un éducateur à propos de la crise d’adolescence ; selon lui, elle n’existe pas vraiment : « La prétendue crise d’adolescence n’est que le révélateur d’un monde adulte anxieux et frileux. Au lieu de se réjouir de voir les enfants grandir et se construire, les adultes portent sur eux un regard peureux et les maintiennent dans le monde de l’enfance ».
Sans être totalement d’accord ce constat, il me semble qu’il se livre à une observation pertinente, en particulier sur la peur qui habite de nombreux parents. Beaucoup s’inquiètent de cette crise, ils ont peur que leurs enfants leur échappent, ils craignent la drogue, le décrochage scolaire…et tous ces maux dont les journaux nous dépeignent les effets.
Or la peur, comme chacun sait, est mauvaise conseillère. Elle empêche d'avancer, elle donne une vision de la réalité à très court terme. Il arrive que pour éviter un conflit immédiat, certains parents se préparent des conflits futurs bien plus graves.

Comme j’aime à la rappeler souvent, le paradoxe de l’éducation réussie, c’est que l’éducateur travaille à sa propre disparition : on n’élève pas un enfant pour soi mais pour qu’il nous quitte un jour. Par conséquent, il est nécessaire d’accompagner ce désir de liberté, sans toutefois céder à toutes les demandes, puisque l’enfant n’est pas encore adulte. Par crainte de couper le dialogue, les parents peuvent être tentés de céder à toutes les revendications, notamment en matière de consommation (mode, sorties et loisirs, téléphone et tablettes diverses) alors qu’il est vital d' accompagner ses enfants dans ce genre de choix et de continuer à mettre des limites…même s'il y a fort à parier qu'ils se heurteront à de la résistance.

D’autre part, avec l’adolescence de leurs enfants, les parents prennent conscience qu’ils vieillissent et qu’ils vont devoir un jour laisser la place à cette génération qui monte.
Il peut être tentant pour eux de vouloir retenir le temps, en choisissant deux attitudes opposées mais qui procèdent de la même crainte, la crainte de vieillir, de perdre son statut, sa première place :
Le parent tyran qui traite son ado de 15 ans comme s’il en avait 6 et qui espère ainsi le laisser dans son rôle d’enfant (et rester dans son statut de père/mère). Il faut bien avouer que ce modèle devient plus rare aujourd'hui. Le parent complice qui veut bien que son enfant grandisse mais qui refuse, lui, de vieillir (l’idéal du parent copain.). C'est un modèle plus répandu ! Reconnaissons que les parents ne sont pas vraiment aidés par notre monde qui a érigé l’adolescence en modèle social : les corps des mannequins dans la publicité, les comportements de certaines vedettes ou hommes politiques qui parlent et vivent comme des gamins, la mise en avant de comportements pulsionnels et immatures...


C’est pourquoi, il est si difficile d’accompagner ses enfants qui grandissent. Cela demande d’être extrêmement habile : ni trop raide, ni trop faible, avec à chaque fois des ajustements. Un peu fatigant parfois, après une journée de boulot ! Cela demande aussi beaucoup d’amour, de l’amour sans beaucoup de retour (du moins sur le moment !) : à cet âge, les enfants sont beaucoup moins aimables que lorsqu’ils sont tout petits ; ils n’hésitent pas à être agressifs, bougons ou mutiques, ils ne cessent de ruer dans les brancards et de signifier qu’ils n’ont plus besoin de leurs parents…ce qui est bien sûr absolument faux, mais ils ne le savent pas encore.

Parents d’adolescents, ne restez pas seuls, échangez avec d’autres parents pour vous soutenir …et quand vous êtes vraiment découragés, pensez à votre propre adolescence. Vous en êtes sortis, finalement ; pensez à ce qui vous a aidés, à ce qui vous a manqué et essayez de vous mettre à leur place de temps en temps pour comprendre ce qui se passe en eux !

 
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