Maux par mots – Marie-Sophie Peytou
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samedi 15 mai 2021 Films
En thérapie (saison 1)
Éric Toledano et Olivier Nakache
Série, sur Arte

Certains d’entre vous en ont peut-être entendu parler, d’autres l’ont vue de bout en bout…en tout cas, je ne cesse d’être interrogée sur cette série d’Arte : alors, c’est comme ça que cela se passe dans ton cabinet ? Est-ce que les entretiens sont réalistes ?...
Vous l’avez deviné, je parle de la série En thérapie qui a remporté un certain succès.

Par curiosité, je me suis plongée dans cet univers : il faut le dire, les acteurs sont souvent très justes et émouvants, en particulier Céleste Brunnquell, qui joue le rôle de Camille, et Réda Kateb, qui joue celui d’Adel. Le psychanalyste, qui est aussi psychiatre, a un air débonnaire et paisible qui incite à la confidence. C'est pourquoi, à condition de s’intéresser à l’univers de la psychologie et de la thérapie, on peut se laisser prendre au jeu, d’autant que les épisodes durent ½ heure et qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer. L'avis que je vous livre ici est fondé sur les 14 épisodes que j'ai visionnés (sur les 35 proposés).
La question est évidemment de savoir si ce qui est raconté est réaliste…Comme je ne peux vous parler que de ma pratique professionnelle et pas de celle de mes confrères, je vais donc vous donner une opinion toute personnelle.
Le psy, le Dr Philippe Dayan :

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Une des premières choses qui m’a sautée aux yeux, c’est l’extrême agressivité des patients envers leur thérapeute : tous semblent venir à contre-cœur et s’en prennent à lui avec violence (seulement dans leurs paroles, rassurez-vous). Ils remettent aussi en cause son métier, sa posture et ses questions. Certes, on peut considérer cela comme un mécanisme de défense pour éviter de se confronter à ses propres difficultés, mais la technique est un peu trop systématique et parfois, cela sonne faux. Ce n’est vraiment pas ce que je vis avec mes clients : il y a bien sûr des émotions très fortes qui s’expriment, mais cela ne les conduit pas à me "balancer" leur mépris ou leur colère à la figure. En ce qui me concerne, j'ai besoin d'une confiance mutuelle pour commencer un travail thérapeutique.

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Un autre élément m’a beaucoup interrogée : lorsqu’il accompagne un couple, ce qui n’est pas sa spécialité, il laisse les conjoints se disputer de façon exacerbée, sans jamais chercher à apaiser les tensions. Ce thérapeute ne me semble pas très formé à la communication : certaines situations seraient pourtant assez faciles à dénouer, pourvu que chacun accepte de parler en son nom propre, en évitant les généralisations, les accusations et les interprétations abusives. Il ne serait pas superflu aussi d'aider les personnes à apprivoiser leurs émotions, plutôt que de se laisser envahir par elles, voire submerger. C'est un élément essentiel et libérateur lorsqu’on travaille sur les relations (conjugales ou familiales).


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Pour être tout à fait honnête, comme le docteur Dayan est psychanalyste, sa posture omnisciente, qui propose parfois des interprétations contestables, m’a considérablement agacée ; j’ai eu souvent l’impression qu’il avait un projet sur ses patients, en n’hésitant pas à leur couper la parole. Je ne le trouve pas toujours très à l’écoute. Et bien entendu, pour une logothérapeute, sa fixation sur les conflits inconscients, les actes manqués et autres lapsus m’a gênée, mais cela s’explique aussi par le fait que nous n’avons pas tout à fait la même conception de la personne humaine.

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Enfin, il y a un élément qui me semble extrêmement inquiétant chez ce thérapeute, c’est sa très grande solitude, qui le conduit à s’enfermer dans ses difficultés, en acceptent rarement de se remettre en cause. Il choisit d’aller parler de son travail avec une collègue qu’il apprécie peu (c’est le moins qu’on puisse dire !) : lorsqu’elle lui pose des questions un peu dérangeantes sur ses désirs envers une patiente, il se réfugie dans le déni ou l’agressivité. Je sais bien que les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ! mais il me parait être complètement aveugle sur ses propres souffrances. De plus, il me semble guetté par une tentation fréquente dans un tel métier, celle de la toute-puissance : il ne veut « abandonner » (c’est son expression) aucun de ses patients, comme s’il était leur sauveur. Pourtant, reconnaître qu’on n’est pas capable d’aider toutes les personnes qui se présentent à nous, c’est salutaire : d’où l’importance de travailler en réseau et de pouvoir orienter ses clients vers le professionnel qui lui convient le mieux. Ce sentiment de toute puissance risque de le conduire au burn out ; d’autre part, comme, il ne parvient pas à se protéger et à mettre des barrières entre ses patients et lui, cela provoque aussi une grave crise dans son propre couple et dans sa famille.

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Vous l’avez compris, si la série se laisse voir avec intérêt, voire plaisir, elle n’a guère de rapport avec ce qui se passe dans mon cabinet. Je l’avoue, elle m’a confortée dans la certitude que la logothérapie offre une alternative vraiment intéressante à la psychanalyse : on y respire un air de liberté et de créativité qui me convient mieux.
https://www.youtube.com/watch?v=2Q1_TALLp5g
 
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