Maux par mots – Marie-Sophie Peytou
Les réponses à vos questions

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Enfance Education
Mon fils de 16 ans est insupportable : il nous agresse (seulement en paroles, heureusement !), il ne pense qu’à lui, il parle de façon péremptoire et commence toutes ses phrases par « Moi je » en nous regardant de haut. Alors, quand vous parlez d’estime de soi, je me dis qu’une petite humiliation ne lui ferait pas de mal… Merci pour votre question qui rejoindra je crois de nombreux parents d’adolescents… J’ai bien conscience que c’est une période difficile à vivre et qu’il est parfois impossible de garder son calme.

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Avant de vous répondre, je voudrais commencer par dire une banalité : « Vos enfants sont adolescents pour la première fois ». Essayez de vous remettre dans votre peau lorsque vous aviez leur âge, dites-vous que ce qu’ils vivent est quelque chose d’unique, que chaque adolescent est unique (et cela même si vous avez eu plusieurs ados avant lui !) et que c’est ainsi qu’il faut d’abord les regarder, avec beaucoup de tendresse et d’amour…même s’ils ne sont pas toujours aimables.

Malgré des apparences trompeuses, il est fort probable que votre fils n’a absolument pas confiance en lui et que son attitude de conquérant imbu de lui-même n’est qu’une tentative maladroite pour se persuader de sa propre valeur. L’estime de soi n’a rien à voir avec la vantardise, elle en est même assez éloignée : elle repose sur la connaissance de soi, de ses capacités et de ses atouts et aussi de ses limites. Or l’adolescence est un période de transformation dans tous les domaines (physique, sexuel, psychologique, intellectuel et même spirituel) : c’est une remise en cause des certitudes confortables de l’enfance. Il y a de quoi être déstabilisé, voire désorienté !
J’ajouterais qu’il n’est pas rare que l’enfant ressente un sentiment d’étrangeté : ce corps qui lui était familier, qu’il aimait bien, auquel il s’était habitué, voilà qu’il a l’impression qu’il n’est plus à lui, ce n’est pas le sien. Essayez d’imaginer cela un instant, c’est vraiment difficile à vivre ! Même la voix, pourtant reflet de son moi intime, est transformée ! Les boutons, les membres disproportionnés, les éjaculations nocturnes… Il ne se reconnaît plus dans son propre corps ni dans les réactions de celui-ci. Il a l'impression de ne plus « l’habiter », ce qui se traduit souvent par de la maladresse, il lui arrive de se cogner, de faire tomber les objets..., tout simplement il n’arrive plus à estimer des distances. Il en suit aussi un mal être terrible : il se sent laid (il l’est parfois !) et du coup, il en rajoute dans la laideur ou l’agressivité physique (piercing, tatouage, goût pour le noir, la crasse…) ou au contraire dans la coquetterie et la séduction (voir le temps qu’il passe dans la salle de bain !)

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Je vous dis là peut-être des banalités mais qui me semblent importantes pour que vous compreniez combien votre fils n’est certainement pas débordant d’estime de soi pendant cette période, malgré des apparences trompeuses, il faut bien le dire.
Alors comment faire face à l’agressivité de votre fils ? Devez-vous tout accepter de lui au prétexte qu’il vit une période difficile ?

Pour commencer, essayez de montrer à votre fils de l’admiration : il faudrait que vous compensiez par votre regard positif le regard négatif qu’il porte sur lui même. Vous verrez très rapidement des effets bénéfiques de cette attitude, ne serait-ce que dans sa façon de se tenir (vous le verrez se redresser au lieu de s’avachir !). Dans le même ordre d'idée, sachez que la moquerie et l’ironie sont complètement déplacées à cet âge : ne faisons aucune remarque désobligeante sur le physique, si ce n’est pour souligner qu’on les trouve beaux, grandis, que tel vêtement leur va bien…on a même le droit d’exagérer, surtout pour ceux qui ne sont pas gâtés par la nature ! De plus, cet exercice d’admiration pourra vous aider vous-même à sortir du dénigrement systématique : vous le savez bien, on peut très rapidement enfermer quelqu’un dans un personnage et être incapable de voir chez lui autre chose que ce qui correspond à nos préjugés sur lui…Vos remarques négatives seront d’autant mieux acceptées qu’elles sont ciblées : une seule à la fois en évitant les « toujours… », « Jamais… ». Il faut surtout qu’elles soient fortement compensées par des remarques positives. La règle d’or est : « Une seule remarque négative pour trois remarques positives » !

Ensuite, essayez de changer la façon dont vous vous adressez à lui : nous avons tendance à nous adresser à nos grands enfants comme s’ils avaient 10 ans. D’une manière générale, ce serait formidable si nous arrivions à leur parler comme s’ils avaient plus que leur âge. Nous avons le devoir de les respecter comme interlocuteurs, comme sujets capables de s’exprimer sur ce qui les concerne, capables d’accueillir leurs besoins, leurs demandes (et pas forcément d’y répondre). Quand ils nous font part d’une réflexion, accueillons là comme une tentative, certes encore imparfaite, de pensée personnelle et aidons le à réfléchir au lieu de dire « Tu racontes n’importe quoi ! » (Même si c’est vrai que parfois, ils disent n’importe quoi !). Si chaque fois qu’ils émettent une opinion, on leur cloue le bec, il y a peu de chance pour qu’ils l’ouvrent la prochaine fois. Utiliser l’écoute active et la reformulation est très utile, pour l’aider à préciser sa pensée. « Je ne suis pas sûr de te suivre, que veux tu dire exactement, …. Aurais tu un exemple ? »
De même quand nous leur demandons un service, parlons-leur comme à une personne à part entière : « J’ai besoin de toi, j’ai besoin de ton aide ». Nous parlons parfois à nos adolescents comme nous ne parlerions pas à des fournisseurs ou des subalternes!
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Vous l’avez bien compris, il ne s’agit absolument pas de tout lui passer, vous avez parfaitement le droit de lui faire remarquer qu’il dépasse les bornes. Mais il est tout aussi important de changer votre regard sur lui pour, ainsi, l’aider à se regarder lui-même autrement. D’autre part, si vous répondez à son agressivité par une surenchère dans la violence, il y a de fortes chances que vous soyez emporté dans une spirale dont vous ne saurez plus sortir. Vous risquez aussi de perdre votre crédibilité auprès de lui puisqu’il vous verra sortir de vos gonds…comme lui !

En guise de conclusion, je vous laisse méditer cette citation de Haim Ginott (1), extrait de son ouvrage Entre parents et adolescents

“Si vous voulez rendre vos enfants meilleurs, donnez-leur l'occasion d'entendre tout le bien que vous en dites à autrui.”

1 Pour en savoir plus sur Haim Ginott:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Haim_Ginott



 
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